Éthanol et corrosion moteur : causes et prévention

Pourquoi l’éthanol peut corroder certaines pièces moteur

L’éthanol, carburant écologique, peut endommager certaines pièces moteur en raison de sa capacité à absorber l’eau et de réactions chimiques avec les métaux et les joints. Cet article explique simplement pourquoi et comment limiter la corrosion.

Michel Duar

06 novembre 2025

6 min de lecture

La composition chimique de l’éthanol : un carburant pas comme les autres

L’éthanol, aussi appelé alcool éthylique, est un carburant d’origine organique obtenu principalement par la fermentation de sucres issus de végétaux comme le maïs, la canne à sucre ou la betterave. Sa formule chimique, C₂H₅OH, révèle déjà sa particularité : la présence d’un groupe hydroxyle (-OH) confère à l’éthanol des propriétés polaires, ce qui le distingue fondamentalement des hydrocarbures purs de l’essence traditionnelle.

Cette polarité lui permet de se mélanger partiellement à l’eau, ce qui est à la fois un avantage et un inconvénient. Sur le plan environnemental, l’éthanol brûle plus proprement et réduit certaines émissions polluantes. En revanche, cette affinité avec l’eau et sa réactivité chimique peuvent engendrer des problèmes au sein du système moteur, notamment des phénomènes de corrosion ou de dégradation de certains matériaux.

Lorsqu’il est mélangé à l’essence (comme dans le cas du E10, E85, ou E100), l’éthanol modifie également la chimie du carburant. Il influence la volatilité, la lubrification et la stabilité chimique du mélange. Ces changements ont un impact direct sur les pièces en contact avec le carburant, notamment les conduites, les injecteurs et les réservoirs.

L’humidité, le grand ennemi caché de l’éthanol

L’un des problèmes majeurs de l’éthanol réside dans sa capacité à absorber l’humidité de l’air. En effet, l’éthanol est hygroscopique, c’est-à-dire qu’il attire et retient les molécules d’eau présentes dans l’environnement. Cette propriété devient problématique dès lors que le carburant est stocké ou exposé à des variations de température, entraînant la condensation d’eau dans le réservoir.

L’eau ainsi piégée se mélange partiellement à l’éthanol mais pas à l’essence. Lorsque la concentration d’eau dépasse un certain seuil, le mélange peut se séparer en deux phases distinctes : une couche supérieure d’essence appauvrie en éthanol et une couche inférieure riche en eau et en éthanol. Ce phénomène, appelé séparation de phase, provoque des dysfonctionnements du moteur et augmente les risques de corrosion.

De plus, la présence d’eau dans le circuit de carburant accélère la formation de rouille dans les composants métalliques, notamment dans les réservoirs, pompes et injecteurs. Même une petite quantité d’eau dissoute peut favoriser des réactions électrochimiques destructrices à la surface des métaux sensibles.

  • Les systèmes anciens sans revêtement interne sont les plus exposés à la rouille.
  • Les carburants contenant plus de 10 % d’éthanol sont particulièrement sensibles aux variations d’humidité ambiante.
  • Les moteurs rarement utilisés subissent davantage les effets de condensation et de stagnation d’eau dans le réservoir.

Réactions chimiques : comment la corrosion se forme dans le moteur

La corrosion liée à l’éthanol est le résultat d’un ensemble de réactions chimiques complexes entre l’éthanol, l’eau et les matériaux métalliques. Lorsqu’un métal, comme l’aluminium ou le zinc, entre en contact avec un mélange d’éthanol et d’eau, des réactions d’oxydoréduction peuvent se produire. Ces réactions libèrent des ions métalliques et produisent des oxydes ou des hydroxydes qui dégradent progressivement la surface du métal.

Le tableau ci-dessous illustre quelques exemples de réactions typiques observées dans les moteurs utilisant de l’éthanol :

Métal concerné Réaction simplifiée Effet observé
Aluminium Al + 3H₂O → Al(OH)₃ + 3/2 H₂ Formation de dépôts blanchâtres et perte de résistance mécanique
Fer (acier) Fe + 2H₂O → Fe(OH)₂ + H₂ Apparition de rouille et obstruction possible des conduits
Zinc Zn + 2H₂O → Zn(OH)₂ + H₂ Corrosion rapide des pièces galvanisées ou plaquées

En plus de ces réactions, l’éthanol peut s’oxyder lui-même sous certaines conditions et produire des composés acides comme l’acétaldéhyde ou l’acide acétique. Ces produits intermédiaires accentuent encore la corrosion en abaissant le pH du carburant. Ainsi, plus l’éthanol vieillit ou reste stocké longtemps, plus son potentiel corrosif augmente.

Cette dégradation chimique ne se limite pas aux métaux. Les joints, durites et membranes en caoutchouc naturel peuvent également se ramollir, se craqueler ou gonfler lorsqu’ils sont exposés à des mélanges riches en éthanol. Les polymères non compatibles perdent leur étanchéité et laissent passer le carburant, créant des fuites et des risques supplémentaires pour le moteur.

Les matériaux les plus vulnérables à la corrosion par l’éthanol

Tous les matériaux utilisés dans un moteur ne réagissent pas de la même façon à l’éthanol. Certains résistent bien, tandis que d’autres se dégradent rapidement. Connaître ces différences aide à comprendre pourquoi certains moteurs supportent mieux l’éthanol que d’autres.

Les matériaux les plus sensibles sont généralement ceux qui réagissent chimiquement à l’humidité ou aux solvants alcooliques. Les métaux non protégés, les caoutchoucs naturels et certaines résines plastiques sont particulièrement vulnérables.

Type de matériau Comportement face à l’éthanol Utilisation typique dans le moteur
Acier au carbone Rouille rapidement en présence d’eau et d’éthanol Réservoirs, conduites, visserie
Aluminium Bonne résistance initiale, mais se pique et s’oxyde avec le temps Corps de carburateur, pompe à essence
Cuivre et alliages Réagit avec l’éthanol et peut catalyser sa dégradation Connexions électriques, petites pièces
Caoutchouc naturel Gonfle, se fissure et perd son élasticité Joints et durites anciennes
Plastiques modernes (PTFE, Viton, POM) Résistance élevée à l’éthanol Joints récents, injecteurs modernes

Les moteurs récents conçus pour le E85 ou compatibles FlexFuel utilisent des matériaux adaptés : joints en fluoropolymères, revêtements anticorrosion internes et conduites renforcées. En revanche, les moteurs plus anciens, notamment ceux produits avant les années 2000, ne disposent pas toujours de ces protections, ce qui explique leur vulnérabilité.

Comment limiter les effets corrosifs dans un moteur alimenté à l’éthanol

Bien que l’éthanol présente des risques de corrosion, il est tout à fait possible d’en limiter les effets grâce à des mesures simples et efficaces. Ces bonnes pratiques concernent à la fois l’entretien, le stockage et le choix des composants.

Voici plusieurs recommandations concrètes pour réduire les problèmes liés à la corrosion :

  • Utiliser un stabilisateur de carburant : certains additifs neutralisent les acides formés par l’oxydation de l’éthanol et limitent la séparation de phase. Ils sont particulièrement utiles lors d’un stockage prolongé.
  • Remplacer les joints anciens : les durites et membranes en caoutchouc naturel doivent être remplacées par des versions compatibles éthanol (Viton, NBR renforcé, PTFE).
  • Vidanger régulièrement le réservoir : évite la stagnation de carburant et réduit le risque d’accumulation d’eau.
  • Éviter les longs temps d’inactivité : l’éthanol attire l’humidité ambiante, donc un moteur peu utilisé est plus sujet à la corrosion interne.
  • Surveiller le système de carburant : un contrôle périodique des injecteurs, pompes et conduites permet de détecter tôt toute trace de corrosion ou de dépôt.

Pour les moteurs non conçus à l’origine pour l’éthanol, il peut être judicieux de rester sur un mélange à faible teneur (comme le E10) plutôt que d’utiliser du E85, sauf si une adaptation mécanique complète est effectuée. Le remplacement de certaines pièces métalliques par des composants en inox ou en polymères techniques peut également prolonger la durée de vie du système.

Enfin, il convient de souligner que la qualité du carburant joue un rôle essentiel. Un éthanol de mauvaise qualité, mal filtré ou stocké trop longtemps, peut contenir davantage d’eau et de contaminants. Choisir une station-service fiable et éviter le stockage prolongé à domicile sont donc des gestes simples mais déterminants pour protéger le moteur.